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Hommage à Maurice Druon

Reçu aujourd’hui du Président international de l’Alliance Francophone, dont Maurice Druon était le Président d’Honneur. Homme d’engagement qui rejoint la Résistance, quitte la France en 1942 vers Londres et les Forces Françaises Libres du général de Gaulle, aide de camp du général d’Astier de la Vigerie, avant de devenir chargé de mission pour le Commissariat à l’intérieur et à l’information, et correspondant de guerre des armées françaises, l’académicien Maurice Druon restera aussi comme le père du Chant des Partisans, hymnes aux mouvements de la Résistance, composé avec son oncle Joseph Kessel en 1943. Un hymne à la signification particulière pour qui a, comme moi, eu l’occasion de l’entendre retentir sur les rives du lac gris du camp de concentration de Ravensbrück, ou devant les sinistres baraquements du camp de Mauthausen, en présence d’anciens Résistants et déportés.

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« Mardi 14 avril 2009, l’Alliance Francophone a perdu un de ses pères, une de ses plus lumineuses figures, Maurice Druon, notre Président d’honneur, qui avait accepté en septembre 2007 de succéder à son ami Pierre Messmer, président fondateur.

Beaucoup se souviendront du « Chant des partisans » voué à la postérité, des « Rois Maudits », récit éternel d’un pouvoir qui divise et empoisonne les cœurs, du résistant gaulliste devenu ministre de la Culture de Georges Pompidou, de l’élégance absolue de cet homme en tous points admirable. Tout en honorant cette œuvre – cette vie -, immense et sincère, nous souhaiterions plus particulièrement nous souvenir du message que ce grand Français n’aura eu de cesse de porter durant toute sa vie.

Nous voulons retenir l’ardente obligation de défendre les valeurs de solidarité et de dialogue des cultures que Maurice Druon nous a enseignées, dans ses prises de position, dans ses soutiens, dans son exigence parfaite vis-à-vis d’une langue française trop souvent délaissée, sans doute par snobisme. Maurice Druon nous a confié son espoir et ses combats, montrons-nous en dignes.

Notre affliction est profonde, aujourd’hui. Mais, sa famille et ses amis doivent savoir que la communauté des Francophones se sent désormais pleinement responsable de cet héritage. Nous avons le « français en partage », tout comme, à présent, le devoir de pérenniser un rayonnement que Maurice Druon avait grandement contribué à assurer, en mots et en actes.

Adieu au « Gamin » de Pierre Messmer !

Le « Gamin » de Pierre Messmer, notre Président d’Honneur, est parti rejoindre son « Cher Pierre »…

C’est ainsi que Pierre Messmer, avec l’humour froid qu’on lui connaissait, appelait son frère d’armes, de cœur et d’esprit… au prétexte qu’il avait 5 ans de moins que lui !

Jusqu’au bout Maurice Druon aura gardé la fraîcheur d’esprit d’un jeune homme frondeur, la vivacité d’un adolescent s’enflammant pour de nobles causes, allié à la suprême élégance d’un éternel combattant…

Ses colères furent épiques, ses affections ne le furent pas moins.

Alors que je lui posais la question de savoir pourquoi il s’était mis en retrait de ses hautes fonctions de Secrétaire perpétuel de l’académie françasie, situation unique dans l’histoire de cette grande maison, persuadé que c’était pour des raisons de santé – ce que je lui avouais – il me répondit avec sa voix forte et si particulière : « Ai-je l’air moribond ? Voyez-vous notre belle et noble Institution est une prison dorée dont la Coupole suinte de nombreux devoirs de réserve… Alors j’ai décidé de reprendre ma liberté. J’ai encore tellement de bagarres à mener ! « .

Sa plus belle, sa plus permanente « bagarre » fut celle pour la défense de notre langue qu’il rêvait de voir redevenir celle du Droit européen.

Pour lui les grands étaient petits, et les petits, grands !

C’est ainsi que s’opposant à la candidature d’un ancien chef d’Etat français, pourtant appuyé par son ami Jean d’Ormesson, mais qui avait à ses yeux commis l’impardonnable faute d’avoir trahi le Général de Gaulle, il argumenta son vote négatif en déclarant : « Son œuvre littéraire est aussi inconsistante que ses actes nobiliaires.« .

En revanche, il n’hésitait pas à répondre longuement, et avec considération, à une classe de CM2 de banlieue qui lui avait fait parvenir des illustrations et commentaires sur le Chant des Partisans !

Lorsqu’il a accepté la Présidence d’Honneur de notre association, répondant aux vœux posthumes de Pierre Messmer, il m’a fait cette réflexion : « J’accepte pour ce cher Pierre. Je suis en effet à un âge où on se retire plutôt des fonctions de toutes natures… La prochaine fois, car elle viendra vite – ajouta-t-il d’un air à la fois malicieux et résigné – pensez donc à quelqu’un du Sud, car c’est de là que viendra le salut de notre langue et celui de l’Humanité ! J’ai quelques idées… « . Nous en avons souvent reparlé !

Il s’amusait beaucoup du qualificatif de « réac » que ses ennemis lui servaient régulièrement, lui qui était de tous les combats, contre toutes les idéologies, du fascisme au communisme, lui qui aimait et respectait profondément toutes les cultures.

Il dérangeait parce que, comme Pierre Messmer, il cultivait une attitude politiquement incorrecte… Une de leurs nombreuses qualités communes !

Bien rares furent les fois où nous nous sommes entretenus sans qu’il me dise et redise : « N’oubliez jamais, Jean Guion, que c’est notre association, nos amis et vous qui briserez les barreaux des prisons pour nos frères… de langue et de culture ! « .

Cette interprétation du si beau texte du Chant des partisans, dont il était le co-auteur, appliquée à l’Alliance Francophone, fut probablement le plus bel hommage qui ait jamais été rendu à notre action.

Vous nous laissez avec une belle mais lourde mission, Monsieur Druon !

Amis entendez-vous ?

Jean R. Guion

Président international de l’Alliance Francophone »

LC.

Le Chant des Partisans :